LOI CHIENS DANGEREUX

Compte rendu conférence de presse Docteur Vétérinaire Claude Béata Président de l’association Zoopsy « Il n’y a souvent que deux façons de parler des animaux : d’un côté les passionnés de la cause animale, dont les comportements excessifs sont parfois contre-productifs, de l’autre les politiques, qui pensent en tonnes de crottes sur les trottoirs et en catégories de chiens dangereux.

Il est nécessaire et urgent d’ouvrir une troisième voie. Après la surexposition médiatique liée aux accidents mortels de la fin de l’été 2007, l’Assemblée nationale a adopté, le 15 mai dernier, le texte définitif de la loi « renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux » devant douze députés.

Cette nouvelle loi a été promulguée le 20 juin 2008, et s’applique dès maintenant. Dans le même espace de temps, se sont tenues les Rencontres animal et société, dont le but affiché était une réflexion sur la place que notre société souhaite accorder à l’animal.
Le rapport en a été restitué le 8 juillet, et devrait être remis sous peu au président de la République.
Légiférer avant de réfléchir, est-ce bien raisonnable ?
Ces Rencontres n’avaient pas comme seul sujet les chiens dangereux, loin de là, mais dans le contexte actuel, l’importance accordée à ce sujet aurait pu être symbolique.
Nous avons en France plus de 8 millions de chiens, qui ont causé en dix-neuf ans 30 morts ?
Cette prévalence est trop faible pour pouvoir être diminuée par la loi. En revanche, le nombre de morsures par an, mal connu et sujet à controverses est, en tous les cas, suffisant pour donner envie d’agir.

La loi récente de mars 2007 et la nouvelle loi de juin 2008 peuvent-elles être efficaces pour diminuer le danger ?
Depuis 1999, nous avons en France une loi, instituée par un gouvernement de gauche, renforcée par un gouvernement de droite, qui définit les chiens dangereux suivant un modèle génétique appliqué de façon paradoxale.

Nous combattons ce modèle : il n’a ni fondement scientifique ni cohérence logique. Faite pour dissuader ceux qui utilisaient ces chiens comme des armes, la loi s’est trompée de cible en instituant des catégories reliant race et dangerosité. Tous les interlocuteurs le reconnaissent, et pourtant de nouvelles mesures aggravant le dispositif ont été votées (le permis de détention !) ajoutant de l’inutile et du compliqué à l’absurde déjà existant.

Renforcer la discrimination est une faute scientifique, un mensonge politique et une erreur philosophique. Les enquêtes, les études menées dans différents pays du monde n’ont jamais réussi à démontrer qu’une race était plus impliquée qu’une autre dans les accidents, et le génome canin, aujourd’hui entièrement décodé, n’a bien sûr pas livré le secret d’un quelconque gène de l’agressivité.
Continuer de corréler le risque agressif à la race, c’est aussi dire que les chiens et les humains sont différents par nature, et nous ne le croyons pas. Sinon, il faudrait croire que certaines races humaines sont plus agressives, plus voleuses, plus fainéantes, et qui aujourd’hui pourrait encore soutenir cela ?
Le mensonge politique réside dans la description d’un risque limité aux races incriminées, et dans la promesse du contrôle du danger. L’Etat ne porte-t-il pas alors la responsabilité du risque aggravé encouru par tous ceux qui, ayant opté pour une autre race de chien, peuvent croire qu’ils ne sont pas en danger, et qui pourraient s’indigner d’apprendre les chiffres pourtant connus : 80 % des accidents se passent dans la sphère privée et 98 % sont le fait de chiens non catégorisés. Mais le plus important est dans l’erreur philosophique qui consiste à ne pas réfléchir sur la nature du lien qui nous unit aux chiens de toutes races. Il est classique de lire ici ou là que le danger viendrait d’une dénaturation des rapports : le chien, animal historiquement utile, serait devenu un substitut affectif et ne serait donc plus à sa place. C’est oublier que le premier lien entre l’homme et le chien a été celui de l’intérêt et de l’affection réciproque.

Vers 12 000 ans avant notre ère, bien avant que l’être humain n’ait la capacité intellectuelle d’envisager une quelconque domestication, les chiens et les hommes se sont rapprochés et ont commencé une longue vie commune basée sur l’attachement et la relation sociale. Stigmatiser certaines races, c’est rompre ce lien réciproque et instaurer la peur. Il est temps d’établir un nouveau contrat entre les chiens et nous. Reconnaissons-les comme des sujets, avec des devoirs et des droits. Parce que, dans une société occidentale, la sécurité est une valeur majeure, leur premier devoir est de ne pas nous mettre en danger.

Pour diminuer l’incidence des accidents, des solutions techniques existent : la création d’un Observatoire du comportement du chien et l’évaluation comportementale de tous les chiens mordeurs sont deux mesures allant dans le bon sens et instituées par la nouvelle loi.
Encore faut-il que les décrets ne les vident pas de leur sens !
Mais les chiens ont aussi des droits, et parmi ceux-là, celui de ne pas subir de discrimination a priori. Ceci est inscrit pour les humains dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. La première Déclaration des droits des animaux a aussi été élaborée en France, en 1978. Les Rencontres animal et société, Grenelle de l’animal en quelque sorte, auraient pu être l’occasion d’établir ce nouveau contrat. Cela passait d’abord par la reconnaissance de l’injustice faite au chien. Un autre pays européen, les Pays-Bas, a annoncé l’arrêt prochain de l’interdiction des pitbulls. Le courage de modifier la partie éthiquement inadmissible et scientifiquement infondée de nos lois aurait pu faire partie de cette « politique de civilisation » que le président de la République appelait de ses voeux au début de l’année. Il nous faudra encore attendre… «